La Tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines

Au cœur d’une ville riche en monuments, une tour en apparence banale renferme un trésor d’art médiéval qui est aussi un document historique exceptionnel.

Tour Ferrande. XIIIe siècle. Pernes-les-Fontaines (84). Photo Serge Panarotto.
Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (Vaucluse).

Si Pernes est célèbre pour ses fontaines – 41, dont une classée et sept inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques – la ville possède bien d’autres attraits : ses portes de ville fortifiées, sa halle du XVIIe siècle, son église classée, plusieurs chapelles remarquables, une croix couverte, des hôtels particuliers… et trois tours médiévales dont l’une, la tour Ferrande, située dans la ville ancienne. Cette simple tour carrée, dont la construction, au XIIe siècle, est attribuée aux Hospitaliers, recèle, à l’intérieur, un décor exceptionnel :des fresques rares, datant du XIIIe siècle.

Fresques du XIIIe siècle. Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (84). Photo Serge Panarotto.
Fresques du XIIIe siècle, dans la tour Ferrande, à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse, France)

Une B D médiévale…

Les peintures murales et les fresques de cette époque que l’on trouve en Provence sont toutes à caractères religieux… à l’exception de celles de la tour Ferrande dont les sujets principaux sont civils et militaires. Les sujets religieux – incontournables à cette époque – sont présents, mais ils sont subordonnés à la narration première, qui est un événement historique.

Dans un style naïf et puissant, ces peintures nous renvoient sept siècles en arrière côtoyer rois, prélats et chevaliers. Les murs racontent la lutte cruelle entre Charles d’Anjou, comte de Provence, frère de Saint Louis (Louis IX, roi de France), et Manfred de Hohenstauffen, fils de l’empereur romain-germanique Frédéric II. L’enjeu en est la suzeraineté sur le royaume de Naples et de Sicile, revendiquée par les deux hommes.

Le prince allemand Manfred, tué à la bataille de Bénévent (1266). Fresques du XIIIe siècle. Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (84). Photo Serge Panarotto.
Le prince allemand Manfred, tué en duel par un chevalier français. Fresques du XIIIe siècle. Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (Vaucluse).

Un des principaux motifs du décor peint est la mort de Manfred à la bataille de Bénévent (1266), lors d’un affrontement en combat singulier avec un chevalier au service de Charles ; le prince Allemand a la gorge transpercée par la lance de son adversaire. Un autre motif parmi les plus forts évoque la légende de Guillaume d’Orange tuant un sarrasin, un géant réputé nommé Isoré. Sur une autre scène, hélas en partie effacée, on voit le prince Conradin, petit-fils de l’empereur Frédéric II, neveu de Manfred, prisonnier, à genoux devant Charles 1er. Conradin, alors âgé de 16 ans, avait repris le combat et les prétentions de son oncle ; vaincu à la bataille de Tagliacozzo (1268), il s’enfuit mais fut rattrapé. Après un simulacre de procès, Charles 1er le fit décapiter mal gré son jeune âge.

L’ensemble a été peint très peu de temps après les évènements relatés. L’hypothèse est que ces fresques auraient été exécutées pour un chevalier appartenant à l’Ordre des Hospitaliers, ayant accompagné Charles Ier dans sa campagne d’Italie. Ce reportage, de première main, prend la forme d’une bande dessinée géante, au dessin sûr, aux couleurs à dominantes ocre, qui est un document précieux pour l’Histoire, mais aussi sur la vie des chevaliers, leurs tenues, leurs armes, leurs mœurs guerrières, courtoises et religieuses. Aux scènes de batailles répondent des scènes plus civiles : l’investiture de Charles Ier d’Anjou par le pape Clément IV, une cour d’amour, un écuyer tenant des chevaux, un saint Christophe protecteur et une Vierge à l’Enfant couronné…

Le sarrasin Isoré tué lors d'un duel par Guillaume d'Orange. Fresques du XIIIe siècle. Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (84). Photo Serge Panarotto.
Le sarrasin Isoré tué par Guillaume d’Orange. Fresques du XIIIe siècle. Tour Ferrande. Pernes-les-Fontaines (Vaucluse).

Toutes ces scènes historiques et narratives ornent la salle du 3e étage. En montant, on ne manquera pas de remarquer, au 2d étage, un beau plafond peint orné de fleurs de lis et d’étoiles et un décor mural simulant de fausses briques ainsi qu’une frise à motif floral.

Cet ensemble de fresques d’une qualité exceptionnelle, bien conservées et bien restaurées, ravira les amateurs d’histoire et les amateurs d’art médiéval. La tour et son décor sont classés Monuments historiques depuis 1862. Elle se trouve rue Victor Hugo, dans la ville ancienne. Pour la visiter, s’adresser à l’Office de tourisme.

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