Jardins de Provence

Provence, terre de jardins. La formule est facile mais tellement vraie ! Il y a dans ce pays tant de paysages variés, tant de terres diverses, tant de microclimats particuliers au sein d’un climat général si agréable, tant de reliefs contrastés, tant de milieux écologiques riches, qu’il n’est pas étonnant d’y trouver la plus belle collection de parcs et jardins qu’il nous soit donné d’admirer sur un territoire si restreint.

Les Jardins d'Albertas. Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône).

Les Jardins d’Albertas. Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône).

Un peu partout, bien sûr, ont éclos des jardins méditerranéens et leur flore vivace et parfumée. Sur la côte prolifèrent les jardins exotiques et leurs plantes sub-tropicales. Dans les vallées du Rhône et de la Durance, dans l’opulent Comtat Venaissin et le riche terroir aixois, s’étalent des jardins et des parcs à la végétation variée et cossues. Sur les hauts plateaux et jusqu’aux pieds des sommets neigeux, s’accrochent des jardins où la flore alpine menacée trouve refuge. Au jardin alpin du col du Lautaret, on peut même voir des plantes arctiques.

Jardin alpin du col du Lautaret, à 2100 m d'altitude. Hautes-Alpes.

Jardin alpin du col du Lautaret, à 2100 m d’altitude. Hautes-Alpes.

L’Histoire et son cortège de styles ont laissé ici de nombreux témoins. Pourtant, à chaque fois, la Provence a su adapter et plier les modes à son art de vivre. Dans les jardins aristocratiques du pays d’Aix, la rigueur du style classique, dominant aux XVIIe et XVIIIe siècles, est toujours tempérée, rafraîchie, par un goût d’Italie. Les terrasses et les bassins sont souvent courbes, les végétaux moins ordonnés et les fontaines baroques. Aux espaces ouverts et leur architecture de buis et leurs parterres de broderie, répondent des promenades d’ombre : bois de platanes, de marronniers ou de tilleuls et presque toujours, un bosquet peuplé d’essences méditerranéennes (pins, chênes verts, lauriers…).

Jardin suspendu. Château d'Ansouis (Vaucluse).

Jardin suspendu. Château d’Ansouis (Vaucluse).

À la fin du XVIIIe siècle, la mode du parc pittoresque ne change pas fondamentalement le jardin aristocratique provençal. Le jardin “à l’anglaise” ne fait que s’additionner au jardin régulier italianisant. Les plus grandes réalisations de cette époque ont malheureusement disparu à la Révolution (Valbelle à Tourves, le parc du château de La Tour d’Aigues…), mais il nous reste des traces de ce style à Barbentane, Puyricard (Grand Saint-Jean), Aix (La Mignarde,) Gémenos (Saint-Pons)…

Château d'Arnajon. Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône).

Château d’Arnajon. Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône).

Le XIXe siècle est très divers. Après la Révolution et les guerres napoléoniennes, l’aristocratie panse ses plaies. La création jardinière coule d’autres sources : la puissance publique et la bourgeoisie. Un autre phénomène important est la vogue des jardins d’acclimatation et des jardins exotiques.

Sous le Second Empire, puis durant la IIIe République, à l’imitation du Paris hausmanien, les villes se dotent de jardins publics. Le modèle dominant est un parc à l’anglaise stéréotypé avec pelouse, bosquet, lac artificiel et cascade en rocaille. Il est peuplé de statues monuments à la gloire de grands hommes locaux. Le jardin du rocher des Doms à Avignon en est un bel exemple.

Bastide de La Maguelone. Marseille. Bassin-fontaine.

Bastide de La Maguelone. Marseille.

Sur le terroir marseillais, la bourgeoisie, enrichie par le commerce colonial et l’industrie, édifie des milliers de bastides. Certaines sont de véritables châteaux. Après 1850, l’arrivée de l’eau en abondance, grâce au canal de Marseille, provoque une floraison de parcs et de jardins. Les styles sont très éclectiques : jardin régulier, parc pittoresque, bosquet méditerranéen, jardin exotique, rocaille, et souvent un peu de tout cela à la fois. Le parc Borély, remodelé en 1860, est composé d’un parfait jardin à la française jouxtant un parfait parc pittoresque. La villa Saint-Cyr cumule une terrasse à l’italienne, un jardin régulier, un bosquet de lauriers, une grande fontaine rocaille, un parc paysager et un jardin d’hiver (serre et salon).

Jardin exotique. Sanary-sur-Mer (Var).

Jardin exotique. Sanary-sur-Mer (Var).

La soif de connaissance, les voyages plus faciles et le rêve colonial ont provoqué une vague d’intérêt pour la botanique et les végétaux exotiques. La fin du XIXe siècle voit la création des grands jardins d’acclimatation (Marseille, Toulon, Hyères…) mais aussi la multiplication de petits jardins privés où les provençaux s’essayent à la culture du palmier des Canaries, du mimosa d’Australie, de la pivoine de Chine ou de l’agapanthe d’Afrique du sud.

Jardins méditerranéens du Rayol-Canadel (Var). La pergola.

Jardins méditerranéens du Rayol-Canadel (Var).

Un regard rétrospectif sur le XXe siècle laisse une impression mitigée. Paradoxalement, alors que la société, la culture et les modes de vie ont été bouleversés par la modernité, dans le domaine des jardins, il ne s’est rien passé pendant 2/3 de siècle ! Le jardin “cubiste” de la villa Noailles est une exception sans lendemain. Tout juste y a-t-il eu quelques restaurations, quelques recréations de jardins à l’imitation du passé… Les parcs publics sont devenus des “espaces verts”, pelouses piquées de quelques plates-bandes fleuries où se pavane un saule pleureur ou, en Provence, un cyprès… Les jardiniers se sont baptisés paysagistes, mais pour quel paysage ?

Jardin cubiste de la villa Noailles. Hyères (Var).

Jardin cubiste de la villa Noailles. Hyères (Var).

Le sursaut est venu dans le dernier tiers du siècle. On a assisté, et on assiste encore, à la restauration des jardins historiques -et leur ouverture au public- et la création de nouveaux jardins. Ce dernier mouvement se développe suivant deux axes principaux : botanique et paysager. Préservation, sauvegarde et présentation de la flore locale ou exotique, méconnue ou menacée (jardins de senteurs, jardins d’herbes, conservatoires botaniques…) pour l’un. Recréation de paysages typiques de zones géo-climatiques pour l’autre (jardin alpin du Col du Lautaret, jardins du monde du domaine du Rayol…). Ces réalisations sont le fait des pouvoirs publics. Ce qui est réjouissant, c’est que des particuliers, mus par la passion, se lancent aussi dans la création de jardins originaux (jardin de l’Alchimiste à Eygalières, Val Joanis à Pertuis…).

Jardin de l'Alchimiste. Eygalières (Bouches-du-Rhône).

Jardin de l’Alchimiste. Eygalières (Bouches-du-Rhône).

À vous de les découvrir.

Voir aussi : Jardins de Provence : le guide.

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