Chapelle Saint-Pons de Valbelle

Alpes-de-Haute-Provence. Par la vallée du Jabron.

Étonnante chapelle à demi troglodyte, rivée à une paroi abrupte, au-dessus du hameau des Richaud, sur la commune de Valbelle, au nord de la montagne de Lure. Étonnante, car on se demande ce qui a pu pousser des hommes, au Moyen Âge, et peut-être bien avant, à édifier un oratoire en cet endroit, certes époustouflant de beauté sauvage, mais difficile d’accès et loin de tout.

Chapelle Saint-Pons. Valbelle. Alpes-de-Haute-Provence

Chapelle Saint-Pons. Valbelle. Alpes-de-Haute-Provence

À vol d’oiseau, l’ermitage de Saint-Pons n’est qu’à 2 km du hameau, mais il faut compter environ trois quart d’heure de marche pour l’atteindre car le dénivelé est de 400 m et le parcours difficile vers la fin. Longtemps impratiqué, l’accès avait été réaménagé par des chantiers de jeunesse, à l’initiative de Pierre Martel, en 1967, et a été entretenu depuis. Une balade plaisir pour ceux qui aiment la nature, les sites exceptionnels et les lieux chargés de spiritualité, d’histoire… et de légendes.

Chapelle Saint-Pons. Valbelle. Alpes-de-Haute-Provence

Chapelle Saint-Pons. Valbelle. Alpes-de-Haute-Provence

Saint Pons et les pies

Recueillie en 1966 par Pierre Martel, un des fondateurs de l’association Alpes de Lumière, la tradition locale faisait remonter l’origine du sanctuaire « avant Charlemagne ». Dans les années 1960, il y avait longtemps que les gens de la vallée ne montaient plus en pèlerinage à la chapelle, mais une légende attachée à saint Pons avait toujours cours dans le village.

« Qu’un jour où il [saint Pons] était poursuivi par des pies, Dieu ouvrit pour lui la montagne, pour le protéger, et le fit ressortir de l’autre côté (et la grotte existe encore) alors que les pies attendent encore qu’il ressorte : c’est pourquoi on n’a jamais vu une pie au-delà des rochers de Saint-Pons… »
Propos de M. Bernard, berger, en 1966 ; rapportés par Pierre Martel dans Provence rupestre, Les Alpes de Lumières n° 46, 1969.

L'entrée du Trou de Saint-Pons". Chapelle Saint-Pons, à Valbelle.

L’entrée du Trou de Saint-Pons ».

Pierre Martel trouva confirmation de cette légende dans un texte du chanoine Richaud, paru en 1906.
« Cette grotte a une origine surnaturelle. Saint Pons, poursuivi par des pies, dut s’enfoncer dans la roche pour se soustraire aux cris aigus et aux coups de bec de ces oiseaux qui l’assourdissaient et menaçaient de lui crever les yeux. On voit parfaitement la trace des coups d’épaule à la voûte et aux parois latérales de la galerie. Il parcourut ainsi plus d’une lieue dans l’intérieur de la montagne, et il alla sortir près du défilé qu’on appelle le Pas des Portes. C’est depuis lors que les pies ont été condamnées à vivre dans la plaine ou sur les coteaux : les sommets leurs sont interdits. »
Chanoine Richaud. Essais de folklore bas-alpin : quelques légendes.

"Trou de Saint-Pons".  le boyau qui transperce le rocher.

« Trou de Saint-Pons ». le boyau qui transperce le rocher.

Le saint Pons de Valbelle est-il un saint local, pieu ermite retiré en ces lieux, ou le témoin d’une extension du culte de saint Pons, le martyr de Cimiez (Nice), très populaire en Provence orientale ? Difficile à dire, car il n’a pas été possible d’établir de liens formels entre les deux, ni à travers le culte, ni à travers cette légende. Pons était un nom assez répandu et l’Église catholique reconnait quatre saints portant ce nom.

Quand à l’interprétation du conte, on peut y voir au premier degré une explication simple du fait que les pies ne montent pas en altitude, ou une métaphore plus spirituelle : « S’agirait-il de quelque saint personnage en butte aux mauvaises langues et fuyant la calomnie dans la solitude ? D’un philosophe, d’un sage, voulant à tout prix éviter les bavards ?» (Pierre Martel).

Strates de calcaire jurassique pliées, devant la chapelle Saint-Pons, à Valbelle.

Strates de calcaire jurassique pliées, devant la chapelle Saint-Pons.

Un patrimoine religieux émouvant et un panorama sublime

Posée sur une vire (petite esplanade à flanc de paroi), qu’on atteint par un pont rustique franchissant une faille, accrochée à mi-hauteur de la falaise de l’Ermitage, la chapelle s’insère en partie dans la roche. Ses dimensions sont modestes : environ 5 m x 10 m. L’abside semi-circulaire, voûtée en cul-de-four, coiffée de lauses, daterait de la fin du XIe siècle. Elle est percée d’une petite baie. La nef à été reconstruite entre 1830 et 1840, restaurée dans les années 1967-1968, puis à nouveau en 1994.

À une dizaine de mètre au-dessus de la chapelle, creusés dans la roche, vous pouvez distinguer des trous de poutres qui indiquent qu’un auvent devait protéger le toit des chutes de pierre. C’est à l’une de ces poutres qu’aurait été accrochée une cloche.

Intérieur de la chapelle Saint-Pons. Nef et abside.

Intérieur de la chapelle Saint-Pons.

Un petit chemin protégé de l’abîme par un muret contourne la chapelle. C’est par là qu’on entre dans la nef par une porte latérale. L’édifice se compose de trois parties : le chœur qui comprend un autel maçonné et, devant celui-ci, un petit autel tabulaire (reproduction d’une table d’autel préroman), la nef proprement dite, très sobre et un espace surélevé qui a dû être la cellule de l’ermite. Deux baies et une porte à claire-voie laissent entrer l’air et la lumière. Le petit escalier qui sert à passer d’un niveau à l’autre est flanqué, sur un côté, d’un bénitier-colonne qui aurait été, à l’origine, soit une stèle préromane, soit un cippe antique. L’intérieur est habillé d’ocre rouge qui laisse une impression de densité spirituelle plus conforme à la dramaturgie d’un site où, il faut l’avouer, la sérénité est absente.

Des témoignage de piété, laissés par les randonneurs. Chapelle Saint-Pons. Valbelle.

Des témoignage de piété, laissés par les randonneurs.

Des témoignage de piété, laissés par les randonneurs. Chapelle Saint-Pons. Valbelle.

Des témoignage de piété, laissés par les randonneurs.

La "cellule" de l'ermite et les baie ajourées. Chapelle Saint-Pons. Valbelle.

La « cellule » de l’ermite et les baie ajourées.

20 à 30 m après la chapelle, vous découvrez le « Trou de saint Pons » dont nous parle la légende. Cela commence comme un début de caverne, puis se transforme en un boyau étroit qui troue le rocher. « On rentrait debout, on sortait couché. C’était le refuge du saint pour échapper à ses persécuteurs. » Si vous avez le courage de vous y glisser et de le traverser (en rampant), vous serez « assuré de n’avoir aucune colique toute l’année » nous dit la tradition locale.

Valbelle, vue de la chapelle Saint-Pons. Panorama.

Valbelle, vue de la chapelle Saint-Pons.

En plus des plaisirs physiques de la marche sur les rudes et odorants sentiers de Lure, et des plaisirs intellectuels de la découverte de ce modeste joyau d’architecture rurale religieuse, vous connaîtrez le plaisir suprême de la contemplation de panoramas grandioses. De l’esplanade de la chapelle, puis en contournant le rocher, vous admirerez, en bas, la plaine de Valbelle et ses hameaux et, autour de vous, les cimes de Lure, les gorges de Charlieu, les falaises de Saint-Robert, la montagne du Cerveau et, au loin, les montagnes du Dauphiné et des Alpes.

Sommet du Sumiou, vu de la chapelle Saint-Pons. Valbelle.

Côté sauvage : le sommet du Sumiou, vu de la chapelle Saint-Pons.

Panorama vu de la chapelle Saint-Pons, à Valbelle.

Panorama vu de la chapelle Saint-Pons, à Valbelle.

Source principale : Provence rupestre, les Alpes de Lumière N°46, 1969. Sources secondaires : Bulletin de la Société Scientifique et Littéraire des Basses-Alpes, Tome XII, 1906 ; Article de G. Laguerre « Saint Pons de Cimiez », dans Provence historique, 1967 ; Provence romane, T II, Zodiaque. Enquête personnelle sur place, en 2011. © Texte et photos Serge Panarotto.

Le bénitier de la chapelle Saint-Pons, à Valbelle. Cipe antique ou stèle préromane ?

Le bénitier. Cipe antique ou stèle préromane ?

Une réflexion sur “Chapelle Saint-Pons de Valbelle

  1. En admiration devant votre article très documenté et illustré, rédigé « simplement » mais clairement, qui cite ses sources (sérieuses!).
    Je suppose que vos autres descriptions, monuments, randos etc… apparaissent dans vos ouvrages « papier ».
    Merci beaucoup.

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